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Un Georges-Louis Bouchez (MR) prudent, ça existerait ? Il fait actuellement de son mieux afin de montrer que c’est possible. Le président du MR a acquis ces derniers mois la réputation de conducteur fantôme à la Rue de la Loi, avec ses expressions fortes dans les médias et ses tweets qui lui ont fait faire des sorties de route. Son collègue de la NVA et informateur Bart De Wever n’a ainsi pas hésité à affirmer fin juillet qu’il en avait assez de ses cabrioles. « Je fais confiance à Bouchez à 100% » a t’il dit à VTM Nieuws. « Afin de tout faire capoter».

Depuis, Bouchez s’est lancé dans une offensive de charme en Flandre. Il a posté cette semaine une vidéo en néerlandais, même si une conversation complète est encore trop difficile. « Mais je fais des efforts: je suis deux heures de cours de néerlandais par jour », dit-il. « Bientôt, vous me verrez dans les studios de Terzake et VTM Nieuws ».

Pendant l’interview, il devra mordre sur sa langue à plusieurs reprises et se gardera d’expressions vives à l’attention de ses collègues du monde politique, et certainement au sujet de la formation il se tient à carreau. « Je ne veux surtout pas donner des munitions afin de me remettre la faute sur le dos » se justifie t’il. Cependant, il veut mettre les points sur les « i ». « On m’a reproché tout et son contraire: je ne serais pas stable, ne saurais pas où je vais ou ce que je fais. La seule chose que je n’ai pas encore entendue ou lue, c’est que je mange des petits enfants. Et bien, soyez tranquille : je ne mange pas les enfants ».

Pourquoi est-ce que vous vous adressez maintenant de manière si explicite à la Flandre ?

« Je suis un grand défenseur de la Belgique et c’est logique de s’adresser également à l’autre côté de la frontière linguistique et de prendre en compte ce qui y vit. Cela va plus loin qu’une vidéo. D’ici la fin du mois, j’aurai quelqu’un au sein du parti qui sera spécifiquement en charge de la Flandre : il s’occupera des relations avec la presse, avec les entrepreneurs, la société civile, les mandataires. Trop de partis s’adressent seulement à leur propre communauté linguistique. Cela, je ne veux plus que ce soit le cas. Notre communication doit donc être cohérente et dans les deux langues. Déjà avant que je ne devienne président, j’avais exprimé cette ambition. Je veux maintenant la réaliser. Cela a en fait peu de rapport avec la situation politique actuelle ».

Allez.

« Non, je suis sérieux. Ce que j’ai par contre remarqué ces dernières semaines en Flandre, c’est que d’autres parlent énormément de moi, alors que je me suis moi-même très peu exprimé. De cette manière, une certaine image de moi a été façonnée par d’autres. Mais comme on dit en français, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Nous devons nous-même nous expliquer. Parce que, honnêtement : lire les journaux flamands, parfois ça pique ».

Qu’est ce qui est blessant?

« On y joue trop souvent l’homme. Au plus haut niveau politique, chacun a une personnalité affirmée. Cela doit d’ailleurs être le cas, sinon tu ne restes pas debout. Je peux commencer à faire une description des caractères de tous mes collègues, mais qu’est-ce qui est effectivement réalisé en faisant comme ça ? Parlons du contenu. Ce qui par contre vrai: j’ai une ligne politique claire et affirmée. Peut-être que cela en effraie certains que je ne dise pas oui à tout et tout de suite, et que je ne laisse pas tout passer. Certainement pendant la dernière législature, le MR ne s’est pas exprimé de manière si explicite, parce que nous avions fourni également le Premier Ministre et nous nous trouvions souvent au milieu du lit. Nous étions tranquilles. Le compromis que nous recherchions au sein de la Suédoise était souvent en ligne avec notre programme. »

Également vos prédécesseurs Charles Michel et Olivier Chastel communiquaient de manière beaucoup plus prudente. Vous, vous aimez choquer ?

(souffle) « Nous avons également des parcours différents. Je viens de Mons et j’ai dû me confronter à Elio Di Rupo, encore président du PS à ce moment-là. Alors, il faut sortir du bois de manière plus vive. Et le Hainaut n’est pas le Brabant wallon. Je suis peut-être plus proche d’un libéralisme populaire. Les personnes qui votent pour moi à Mons, ce ne sont pas les gros dirigeants d’entreprises. Ils doivent batailler ferme pour y arriver. Avec eux, tu ne dois pas prendre de gants quand tu parles. Et aussi,  je suis plus jeune.

Mais plus encore: dans tous les dossiers, mes choix sont clairs. Mon ambition depuis le début, c’est que les valeurs libérales soient expliquées de manière claire et que les gens s’y retrouvent consciemment. Tout comme, je veux toujours être clair sur la manière dont je vois la Belgique. Mais vraisemblablement, cela passe sans problème lorsque tu dis que tu veux la fin de la Belgique, mais on te fait beaucoup de reproches lorsque tu dis que tu veux un pays plus efficace, où le niveau belge a une réelle valeur ajoutée. »

Donc: cette réforme de l’Etat, Bart De Wever peut l’oublier ?

« Notre point de vue est clair : notre pays doit être plus efficace. Nous ne nous opposons pas à davantage de régionalisation, mais une refédéralisation ne peut pas être un tabou. La structure de notre Etat doit à nouveau être lisible pour les gens. Après la crise du coronavirus, il ne peut plus y avoir aucun doute là-dessus. J’en suis convaincu: ce que les wallons et les flamands attendent des pouvoirs publics est en grande partie identique. »

Vous n’êtes pas le premier politique francophone qui s’est taillé une « réputation » dans la presse flamande : « Joëlle Milquet (cdH) était Madame Non, Didier Reynders (MR) était le diable calculateur, le président du PS Paul Magnette serait « impulsif » et « pas fiable ».

« Ce que je dénonce, c’est qu’il y a des éditorialistes, journalistes, et des professeurs qui ont tout écrit sur moi sans avoir jamais échangé avec moi »

Vous parlez entre autres du politologue Carl Devos (UGent).

« Un professeur à l’université a quand même la mission de développer l’esprit critique de ses étudiants. Leur apprendre qu’une seule source, ce n’est pas fiable. Mais trop souvent, le contenu de ce genre de papiers est soufflé par d’autres. Tout en off, bien évidemment. Je ne perds pas mon temps à appeler tous les journalistes et à parler en mal des autres. »

Comme si vous n’aviez jamais fait cela ? La blague à la Rue de la Loi, c’est que vous avez deux téléphones, un pour faire fuiter et l’autre pour démentir le fait que vous l’avez fait.

« Qu’est-ce que j’aurais bien pu faire fuiter ? Est-ce que j’ai déjà fait fuiter quelque chose à votre journal ? Je pose la question à chaque journaliste. La réponse est à chaque fois négative. Ce faisant, il y a quelque chose que je dois faire fondamentalement mal. Si tu fais fuiter, tu le fais afin que ton message se répande mieux et que tu en ressortes avantagé. Pourtant, ce n’est pas ce qui est écrit sur moi. Soit, je suis masochiste, ou je suis stupide. D’ailleurs, m’avez-vous entendu parlé de la formation du gouvernement ces dernières semaines ou ces derniers jours ? »

Et ça se passe bien?

(rit) « Je regarde cela avec lucidité.»

Qu’est ce qui a changé? Qui vous exhorté à tant de modération ?

« Je ne suis pas devenu plus prudent en tant que tel. Si il y a quelque chose que je veux dire, je le dirai également. Mais si se taire peut aider à ce que les choses avancent, alors je peux aussi me taire. Écoutez, c’est encore une caricature. Comme si j’avais toujours le pied sur la pédale. Oui, j’ose y aller à fond. Mais jamais sans réfléchir avant. J’ose aller à la limite, mais jamais la franchir. »

Lorsque votre essai de formation d’une coalition Arizona a échoué, vous aviez envoyé encore des tweets à la pelle, et un communiqué de presse a encore suivi le soir. La communication a dérapé, vous paraissiez être un projectile incontrôlé.

« Je peux me taire pendant longtemps et me retenir, mais si à un moment je peux m’exprimer librement, alors je le fais. C’était un moment où les gens ne comprenaient plus ce qu’il se passait. La confusion était totale. Alors, j’ai expliqué ce qui selon moi était en train de se passer. Et ensuite, j’ai répondu aux gens qui me posaient des questions. J’ai cette énergie, et oui, mon téléphone n’est jamais loin. Mais soyez en certain : depuis que je suis président, je n’ai jamais dû retirer des paroles que j’ai prononcées. Je n’ai jamais perdu le contrôle et à aucun moment une personne n’a dû me dire : ce jour-là tu as été trop loin. »

Vous avez cependant toujours dit : PS et NVA ensemble dans un gouvernement, cela ne marchera jamais.

(semble surpris). « Il y a aussi une différence entre mon analyse politique et ce que je veux. Et j’espère vraiment m’être trompé. Chacun doit pleinement recevoir sa chance. La balle est dans leur camp.»

Encore un reproche: vous seriez encore trop attaché à votre cortège de ministres et premier ministre au sein du gouvernement fédéral, ce qui expliquerait que la lenteur de la situation actuelle ne vous poserait pas de problème.

« Mais donnez donc un exemple où j’aurais saboté quelque chose. Je me suis rendu à chaque invitation. Est-ce que j’ai tenu le PS et la NVA à l’écart l’un de l’autre ? Est-ce que j’ai fait obstacle à la paars-groen ? Nous aussi, nous voulons un gouvernement le plus rapidement possible. Est-ce que vous pensez sincèrement que c’est confortable pour une première ministre d’affronter le parlement chaque semaine où c’est à chaque fois l’embrasement ? Il n’y a pas de majorité et les partis qui nous soutiennent officiellement depuis l’opposition nous y attaquent en permanence. »

Est-ce que la Première Ministre Sophie Wilmès (MR) remettra bien sa démission mi-septembre, comme elle l’a promis ?

« La question n’est pas à l’ordre du jour. C’est important maintenant que le pays soit dirigé. Nous devons avoir rapidement un gouvernement de plein exercice mais ça a peu de sens de dire, dans les quatre semaines, elle doit partir. J’espère que d’ici là, nous saurons quels partis formeront la nouvelle majorité. »

Mais de cette manière, vous nourrissez les rumeurs que vous voulez continuer avec Wilmès comme Première ministre. Paul Magnette (PS) est encore plus clair: si d’ici là, nous n’y sommes pas, les élections suivront.

« Chacun sait que le gouvernement minoritaire doit être remplacé rapidement par un gouvernement de plein exercice avec une majorité large. J’insiste sur cela. Mais je ne sais pas non plus comment sera la situation sera dans quelques semaines. Des élections seraient en tout état de cause une mauvaise idée. En pleine crise du coronavirus ? Comment est-ce qu’on ferait campagne d’ailleurs ? Sans congrès, sans pouvoir serrer la main des gens, probablement sans carnets non plus. Génial. Soyons sérieux. »

Comment sont vos liens avec l’Open Vld ? L’alliance semble être en parie guidée par calcul. Avec 26 sièges, vous pouvez peser davantage dans les négociations.

« C’est bien évidemment plus que ça. Nous organisons ensemble toute une série d’activités. Nous célébrons l’année prochaine le 175èmeanniversaire du parti libéral en Belgique. Déjà pendant ma campagne comme candidat à la présidence, j’ai dit que je voulais resserrer les liens avec l’Open Vld. Que nous irions ensemble à la table des négociations. Ca a cliqué avec Egbert. Nous voulons tous les deux revenir aux valeurs de base du libéralisme. Nous pensons souvent la même chose. Pour nous, ce n’est pas un problème de travailler à une note commune de négociation. »

Entre-temps, les liens avec les verts semblent également s’être resserrés. Vous communiquez ensemble sur les négociations.

« Notre communiqué est clair et je ne veux pas en dire beaucoup plus. Avec les verts, nous ne sommes ensemble pas d’accords avec le volet institutionnel de la note que les informateurs De Wever et Magnette ont élaborée. Dans le même temps, nous trouvons qu’ils doivent donner rapidement de la clarté sur les partis avec qui ils veulent avancer. »’

Est-ce que la Vivaldi, une coalition avec les verts, les libéraux, les socialistes et le CD&V pourrait renaître de ses cendres ? Vous auriez eu la semaine dernière des contacts avec le PS.

« Évidemment, j’ai des contacts avec d’autres partis. Mais sur ce sujet, je serai très clair : je ne mène en aucune manière de négociations parallèles. »

Comment sont vos relations avec les autres présidents flamands ?

« Avec Joachim Coens du CD&V, excellentes. Je peux réellement discuter avec lui. Avec Meyrem Almaci (Groen), j’ai moins de contact mais elle est droite et j’aime cela. Avec elle, je peux réellement bien discuter. Pour le reste, mes contacts sont corrects et professionnels. »

Et De Wever ?

« J’ai beaucoup de respect pour son intelligence. Jusqu’à il y a peu, nous nous challengions avec plaisir dans le débat. Mais maintenant. (se fait silencieux). Je pense que nos tempéraments diffèrent beaucoup. Quand tu es jeune, tu es davantage optimiste et enthousiaste, tu y vas à fond pour ce que en quoi tu crois… et ça peut créer des divergences (réfléchit longuement). Non, je n’en dirai pas plus à ce sujet. »

Ca se passe encore bien après sa récente charge ?

« Je l’ai remercié. Tout le monde me connait maintenant en Flandre, et cela seulement 6 mois après mon élection à la présidence. Quel autre politique francophone peut en dire autant ? »